10 images d’archives pour découvrir l’histoire de Saint-Henri

Embarquez-vous avec nous pour un voyage dans le temps, grâce à des photos d’archives retraçant la riche histoire du quartier Saint-Henri.

Bibliothèque et Archives nationales du Québec. Fonds Conrad Poirier, BAnQ, P48,S1,P11917.

Les Entrepôts Dominion se dressent fièrement aux abords du canal Lachine depuis 1899.

Sur la photo ci-dessus, qui date de 1945, on les aperçoit en arrière-plan, de l’autre côté de la voie ferrée, alors que l’écrivaine Gabrielle Roy pose avec des enfants du quartier Saint-Henri. Le cliché a été pris à l’angle des rues Saint-Ambroise et Saint-Augustin, devant l’un des édifices qui appartenaient alors à la Dominion Textile Company. Si le quartier s’est transformé avec les années, on arrive facilement à reconnaître cette intersection grâce à la silhouette familière des Entrepôts Dominion.

L’imposante bâtisse est loin d’être le seul fleuron architectural du quartier à avoir traversé les années. D’autres édifices mythiques comme le marché Atwater, la caserne 23 (qui portait autrefois le numéro 11) ou le Château Saint-Ambroise (anciennement l’usine de la Merchant Mills and Co, dont faisait aussi partie la bâtisse des Entrepôts Dominion) façonnent le paysage de Saint-Henri.

À travers des images d’archives, plongez-vous avec nous dans le Saint-Henri d’autrefois.

Saint-Henri-des-Tanneries

Vers 1685, Jean Talon (dont le nom vous dit sûrement quelque chose!) veut implanter en Nouvelle-France de nouvelles industries, dont des tanneries, pour soutenir l’économie de la colonie. Les tanneries doivent être construites à proximité d’un plan d’eau – et à l’extérieur des murs de la ville en raison des fortes odeurs qu’elles dégagent. Bientôt, les tanneurs s’installent donc aux abords du ruisseau Glen, qui coulait à l’intersection actuelle des rues Saint-Jacques et De Courcelle.

Vue prise de la côte de « Tanneries des Rolland » (le nom que portrait alors Saint-Henri), à proximité du ruisseau Glen. Aquarelle de James Duncan – Archives de la Ville de Montréal, BM99-1_01-p-258, Public domain, via Wikimedia Commons

À l’époque, on se trouvait en pleine campagne! Aujourd’hui, depuis la station de métro Place-Saint-Henri, on peut gagner le centre-ville en une dizaine de minutes, mais dans ce temps-là, on mettait une demi-journée pour se déplacer entre Saint-Henri et Montréal!

À cette époque, la petite agglomération ne porte pas encore le nom de Saint-Henri et compte à peine plus d’une dizaine de familles. La vie communautaire se développe autour d’une petite chapelle, au sous-sol de laquelle est installée une école paroissiale. En 1825, le recensement dénombre 470 habitants dans le village.

Le canal Lachine et ses industries

La même année, le canal Lachine est creusé. De concert avec l’arrivée du chemin de fer, en 1847, il contribue largement à l’essor et à l’industrialisation de la région. (Il sera d’ailleurs élargi à deux reprises pour accommoder la taille croissante des bateaux-vapeur qui affluent dans le Saint-Laurent.) Au milieu du 19e siècle, Saint-Henri devient un pôle industriel important non seulement pour la région de Montréal, mais pour tout le Canada.

Lachine canal enlargement. Work at the St. Gabriel Locks, under Messrs. Loss & McRae, tiré d’une photographie de Henderson, Canadian Illustrated News, vol. XVI, no 22, 1er décembre 1877, p. 344-345.

De 1881 à 1901, la population de Saint-Henri triple, passant de 6 400 à plus de 21 000 habitants. Ce boom démographique sans précédent a une cause bien précise : l’arrivée en ville de la Merchant Manufacturing Company, une filature de coton qui s’installe rue Saint-Ambroise.

À cette époque, Saint-Henri ressemble encore beaucoup à la campagne, mais peu à peu la région s’industrialise grâce aux industries s’établissent en bordure du canal.

L’intersection des rues Notre-Dame et Saint-Philippe, Saint-Henri, 1905 (Archives de l'ACHF, Fonds P042, Musée ferroviaire Saint-Constant, Québec)

Entre 1882 et 1899, la Merchant fait construire le long du canal Lachine d’imposants bâtiments qui accueilleront son usine et ses entrepôts (ceux-là mêmes qui abritent aujourd’hui les Entrepôts Dominion!). Quelques années plus tard, en 1905, l’usine est acquise par la Dominion Textile Company, qui emploie à elle seule quelque 3 000 travailleuses et travailleurs.

Bibliothèque et archives nationales du Québec. Dominion Textile Co. 1910. https://collections.banq.qc.ca/ark:/52327/2083197

La même année, Saint-Henri est officiellement annexé à la Ville de Montréal. La rue Notre-Dame devient vite l’épicentre du quartier ouvrier en raison de sa proximité avec le canal Lachine et le chemin de fer. Ci-dessous, les façades des commerces situés près de la Place Saint-Henri, une intersection qui a bien changé aujourd’hui.

Saint-Henri. 4041-4039 rue Notre-Dame Ouest. 1929. VM166-D1901-30-021. Archives de la Ville de Montréal.

La rue Beaudoin, qui s’étend du canal Lachine à la rue Notre-Dame, a elle aussi passablement changé. Sur cette photo datant de 1945, on voit les façades de bois de ses maisons, qui ont depuis été remplacées par de la brique.

Bibliothèque et archives nationales du Québec. Feature. Rue Beaudoin: St. Henri - P48S1P11908

La Dominion Textile n’est bien sûr pas la seule entreprise à s'implanter dans le quartier pour en redéfinir le paysage. Vers la même époque, Saint-Henri voit aussi débarquer l’Imperial Tobacco, qui s’installe en 1907 sur la rue Saint-Antoine, et la compagnie de matelas Simmons, dont l’usine ouvre ses portes en 1919.

Ludger Lemieux laisse une marque indélébile

La crise économique de 1929 fait très mal aux industries de Saint-Henri. Malgré cela, les années 1930 verront apparaître plusieurs bâtiments de style art déco qui font aujourd’hui partie du patrimoine architectural du quartier, et qui sont l'œuvre de l’architecte Ludger Lemieux.

Originaire de l’Estrie, Ludger Lemieux étudie l’architecture à l’Université McGill. En 1931, il s’associe avec son fils Paul Marie afin de fonder la firme d’architecture Ludger & Paul M. Lemieux. Ensemble, ils signent la conception d’immeubles partout au Québec, dont plusieurs dans le quartier Saint-Henri.

Dès 1912, Lemieux avait contribué au patrimoine bâti de Saint-Henri en signant l’église Saint-Irénée, située à deux pas de l’actuelle station de métro Lionel-Groulx. Mais c’est dans les années 1930 que Ludger Lemieux frappe deux coups de circuits successifs avec l’érection de la caserne de Saint-Henri (1930) et du marché Atwater (1933).

Il va sans dire que le quartier ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui sans la touche unique de cet architecte de renom.

Marché Atwater. - [Après 1933]. [193-]. Fonds Camilien Houde. P146-2-2-D2-P015. Archives de la Ville de Montréal.

Gabrielle Roy : le passage à la postérité

En 1945 paraît Bonheur d’occasion, un roman désormais célèbre qui plonge le lecteur dans la dureté du milieu ouvrier de Saint-Henri. Journaliste de profession, Gabrielle Roy pose un regard lucide sur le quartier: les usines et entrepôts qui longent le canal Lachine, le bruit des trains sur la rue Saint-Ambroise, la vie nocturne de la rue Notre-Dame… Le roman est d’un réalisme poignant et devient l’une des œuvres phares de notre littérature, faisant passer Saint-Henri à l’histoire.

Sur la photo ci-dessous, prise l’année de la sortie de Bonheur d’occasion, Gabrielle Roy (à droite, près de la barrière) regarde passer le train. Face à elle, de l’autre côté de la voie ferrée, se dressent les bâtisses de la Dominion Textile.

Feature. Engine Crossing Street : St. Henri. La locomotive et le wagon de queue passent sur la voie ferrée devant Gabrielle Roy, 29 août 1945. BAnQ Vieux-Montréal (P48,S1,P11912). Conrad Poirier

Encore aujourd’hui, en passant par la station de métro Place-Saint-Henri, on remarque les mots « Bonheur d’occasion » imbriqués dans les murs de la station, en hommage au roman inoubliable de l’une des plus grandes romancières canadiennes.

Déclin et renaissance

La Dominion Textile Company poursuit ses activités dans Saint-Henri jusqu’à la fin des années 1960, mais la fermeture du canal Lachine, en 1970, entraîne le déclin des usines qui sont installées sur ses rives. La Dominion ne fait pas exception.

L’édifice de la rue Saint-Ambroise est alors racheté par Coleco, un fabricant de jouets qui assemble dans son usine de Saint-Henri la célèbre console Pong d’Atari. À son heure de gloire, l’entreprise employait quelque 800 personnes. Malheureusement, Coleco déclare faillite en 1989 et la bâtisse est laissée à l’abandon.

Ce n’est qu’en 2006 que l’agence de publicité Bos rachète l’immeuble, alors en décrépitude, pour en amorcer la revitalisation complète. C’est l’architecte Luc Laporte qui mène le projet, avec la ferme intention de mettre en valeur les éléments architecturaux qui font la marque de cet édifice industriel. Les murs de brique et les poutres d’acier sont là pour rester!

Aujourd’hui, l’immeuble est un espace multifonctionnel unique en son genre auquel on a donné un nom qui évoque le riche passé de l’endroit : les Entrepôts Dominion.

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